J’ai été à la rencontre du Pendu et je l’ai trouvé là, se balançant imperceptiblement suspendu par le pied, entre deux arbres.
Je lui ai demandé comment il allait, et il m’a dit:
“Ca va pas terrible, comme tu peux le constater. J’ai été suspendu là et c’est très inconfortable, j’ai mal à la jambe, le sang bat dans mes tempes, j’ai mal à la tête…”
“Mais pourquoi? Et qu’est-ce qui t’empêche de te libérer? Tu n’as pourtant pas l’air très solidement attaché…”
Il a poussé un gros soupir.
“En ce moment, je ne puis. Il me faut attendre, apprendre à être patient, c’est le destin. Je suis prisonnier, suspendu entre méditation et folie. Je prie, je cherche la lumière dans les cieux et au plus profond de moi. Il me faut subir le martyr et expier, apprendre à me sacrifier, faire preuve d’abnégation et de désintéressement. Mon corps ne compte plus, seule mon âme peut encore agir. Dans cette position, j’apprends à voir les choses d’une autre façon, je réfléchis et je fais de mon mieux pour trouver les solutions qui me permettront de sortir du trouble. Je ne peux rien faire d’autre: il m’est impossible d’agir avant d’avoir accompli ce sacrifice. En attendant, c’est un temps mort, je suis contraint de lâcher prise.”
J’avais pitié de ce pauvre Pendu, obligé de subir cette épreuve pénible et longue.
Il a continué:
“Lorsque le temps de l’épreuve sera passé, je pourrai voir les choses d’un regard tout neuf. Je saurai pourquoi j’en étais arrivé là, et j’éviterai de reproduire les mêmes erreurs. J’accepte ce temps d’expiation qui va m’apprendre à pardonner. En attendant… j’attends… j’accepte… que pourrais-je faire d’autre…”
J’ai salué ce pauvre martyr, avec la consolation de savoir que cette épreuve pénible et longue ne serait pour lui qu’une étape à franchir pour aller de l’avant.