Lampes magique dans la Grèce Antique

L'envoi de rêves

(Avec l’aimable autorisation de Milady HéméRâh)

Dans la Grèce Antique, les lampes et leurs usages sont omniprésentes, elles sont employées dans une multitude de rituels : offrandes et fumigations, consécration ou mise en action des divers objets, charmes d’amour, παίγνια, « amusements magiques», rencontres provoquées avec les divinités, souvent designées comme συστάσεις et, avant tout, procédés divinatoires.

Parmi ces derniers, les plus fréquents consistent à des ὀνειραιτητά et ὀνειροποµποί, des « demandes et envois de rêves».

Si nous nous penchons sur l’Ἀπολλωνιακὴ ἐπίκλησις, « Invocation apollinienne» du papyrus de Berlin (P. Berol. Inv. 5025 ou PGM I, 262-347)6 du IVe Siècle, nous trouvons une recette qui semble se situer, déjà par son intitulé, dans la sphère d’une puissance oraculaire. Ce n’est que progressivement que nous apprenons de quoi il s’agit: recevoir le θεῖον πνεῦµα, « souffle divin», ainsi qu’un démon capable de répondre περὶ µαντείας, περὶ ἐποποιίας, / περὶ ὀνειροποµπείας, περὶ ὀνειραιτησίας, περὶ / ὀνειροκριτίας, περὶ κατακλίσεως, περὶ πάντων, / ὅ[σ]ων ἐστὶν ἐν τῇ µαγικῇ ἐµπει[ρίᾳ], « au sujet de la divination, de la composition des vers épiques (et donc des oracles), de l’envoi, de la demande et de l’interprétation des rêves, de l’infliction de la maladie et de tout ce qui relève de l’expérience magique» (I, 328-331).

On retrouve classiquement des substances à brûler sur l’autel d’apollon : œil de loup – gomme de storax, cinname, gomme de balsamine et tout ce qu’il y a le plus précieux parmi les parfums.

Une libation faite de vin, de miel, de lait et de l’eau de pluie, ainsi que la préparation de sept gâteaux plats et de sept gâteaux ronds.

La recette attribue à la lampe un rôle important dans la construction d’un temps et d’un espace rituels bien délimités. C‘est la lampe qui doit être déposée sur la tête de loup et l’autel doit être bâti à proximité de la tête et de la lampe et, surtout, tout geste rituel doit se faire à proximité de la lampe.

Il est donc légitime de supposer que l’étendue de l’action est plus ou moins déterminée par l’envergure du rayonnement, car c’est là où doit résider le sens de la prescription : « tout exécuter à proximité de la lampe ».

Cette mise en condition est certainement liée à l’objectif de la recette qui est l’épiphanie et la révélation. Recevoir l’esprit divin ou un démon envoyé par une divinité et participer à son savoir équivaut à une illumination aussi réelle que métaphorique ou imaginée.

Par son allumage et son extinction, un geste nécessaire pour la libération de la divinité, la lampe fonctionne, entre autres, comme un interrupteur qui peut déclencher et arrêter l’action rituelle, ouvrir et clore le temps rituel.

La puissance qui préside à cette opération n’est autre qu’Apollon, dieu oraculaire par excellence déjà imprégné d’une couleur solaire par la tradition littéraire et philosophique.

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