Cher Lecteurs,
Il existe deux camps qui s’affrontent le plus poliment possible, sur le thème de la place du “libre-arbitre” dans un tirage de Tarot.
Est-ce que le cours des événements ferait partie d’un scénario déterminé sur lequel nous n’aurions aucun véritable contrôle, ou est-ce que nous avons un “libre-arbitre”, la capacité de faire des choix conscients et en “toute connaissance de cause” ?
Si nous posons au Tarot des questions divinatoires, nous admettons “de facto” que le déterminisme existe: vous désirez savoir ce qui va se passer, en sous-entendant qu’il existe une fatalité, un destin auquel on ne peut échapper. Ce sont ces éléments du destin que vous désirez connaître en faisant appel à une mancie pour vous les révéler.
Beaucoup de praticiens ne croient pourtant pas du tout à cette optique “fataliste”. Certains mêmes refusent plus ou moins de répondre à des questions “divinatoires”, persuadés que nous détenons les clefs de notre avenir entre nos mains, que rien n’est décidé d’avance, que nous avons “le contrôle”.
Leur pratique est axée sur l’accompagnement plutôt que sur la prédiction. Les Arcanes vont en effet révéler un message qui va aider le consultant à faire face à telle situation. C’est une approche très positive qui aide également à comprendre certains aspects de nous-mêmes, à guérir des vieilles blessures.
Mais de la même façon, cela sous-entend une forme de déterminisme: que le Tarot prédise une situation, ou donne des conseils sur comment gérer cette même situation, cela implique justement qu’un déterminisme nous a menés à faire face à cette situation, que des facteurs extérieurs influencent le cours des choses, et que au final, nous n’avons pas beaucoup de contrôle sur l’enchaînement des événements. Pour cette raison nous désirons en savoir plus sur ce qui nous est inconnu.
Dans tous les cas de figure, nous avons besoin de retrouver notre sensation de contrôle. Sinon pourquoi aurions-nous besoin de demander des éclairages au Tarot, qu’il s’agisse du présent, du passé ou du futur?
S’en remettre au Tarot, de quelle façon que ce soit, implique de facto une idée de déterminisme, et fait appel à une part d’inconnu, parce qu’on sait qu’on a PAS toutes les clefs pour comprendre ou pour anticiper…
Cela est toujours très enrichissant, quelle que soit la façon dont on l’envisage.
Car “là-haut” on nous prépare plein de surprises, vous savez jamais le matin ce qui risque de vous tomber dessus dans la journée 😀
Est-ce “mal” d’être “déterministe”?
Lorsqu’on réalise vraiment qu’en effet, le contrôle est une illusion, on éprouve une véritable libération intérieure.
Contrôler, ça pompe vraiment beaucoup d’énergie, qu’on pourrait tout simplement utiliser de façon bien plus constructive et efficace pour prendre de la distance face aux événements, pour méditer, pour vivre l’instant présent avec confiance.
Cela ne signifie pas “baisser les bras” (je vous vois venir…) car, ce qui dépend encore de nous, c’est la façon dont nous allons accueillir ces mêmes événements inscrits dans notre destin, qu’on le veuille ou pas, il faudra les gérer.
Ca veut surtout dire qu’il faut prendre du recul, refuser de dépenser notre précieuse énergie en tentatives désespérées de garder un “contrôle”- qui-n’existe-pas (sur un mari, sur un patron, sur son compte en banque, …) .
Vous êtes le produit d’une infinité d’éléments qui vous sont “extérieurs”, et que vous n’avez pas choisis. Vous êtes ici-bas pour jouer un rôle: on va vous confronter à toutes sortes de situations et vous allez devoir les gérer du mieux que vous pouvez, et avancer sur votre chemin.
Le Tarot pourra procurer une aide précieuse pour comprendre, anticiper ou faire face aux événements. Il va éclaircir votre chemin de vie et potentiellement vous éviter des écueils si vous l’écoutez. Mais il sera peu efficace pour vous redonner le “contrôle” tout au plus pourra-t-il vous en donner l’illusion, car le savoir rassure (ou pas). Si un tirage aide à comprendre et à franchir un pas alors la mission est accomplie, en ce qui me concerne.
Et si vous pensez que “tout dépend de nos choix, c’est notre libre-arbitre” alors demandez-vous pourquoi vous consultez les cartes. N’êtes-vous pas supposés avoir tous les éléments pour l’exercer pleinement et en toute connaissance de cause, ce fameux “libre-arbitre” ?
Si vous ne les avez pas, si vous doutez de les avoir, si vous les demandez aux cartes, au Ciel, à votre astrologue ou peu importe, alors vous devez admettre que ce que vous pensez être votre “libre-arbitre” est une illusion car trop d’éléments et de facteurs dont vous ignorez l’existence entrent en jeu dans le cours des choses et dans votre processus de décision.
Comment donc prétendre qu’on puisse “prendre des décisions en toute connaissance de cause” si vous n’avons conscience que d’une infime partie de ce qui est vraiment en jeu dans une chaîne d’événements?
Ca dérange.
Ca vous irrite de savoir que ce que vous appelez “libre-arbitre” n’est sans doute qu’un leurre, est-ce qu’il vous est impossible d’imaginer que vous ne contrôliez pas votre vie?
C’est une réaction très commune, voire épidermique. Essayez de lancer: “Au fait, le libre-arbitre n’existe pas” à un repas de famille et tout le monde va vous balancer ses frites à la figure: en effet, pour une raison quelconque, nous avons besoin de nous rassurer sur notre capacité de faire des choix conscients et raisonnés, on pense volontiers que c’est justement cette capacité qui fait de nous des êtres libres et responsables.
Mais peut-être que ce présupposé est totalement faux car après-tout, qu’est-ce qui le prouve? Jusqu’ici, rien, et encore moins depuis que les neurosciences se sont mises à étudier le fonctionnement de notre cerveau.
Et si nous sommes instinctivement réfractaire à l’idée de ne pas être notre propre patron, c’est peut-être aussi (surtout) que c’est le truc à vous bousiller l’ego que d’accepter que vous êtes presque impuissants face au déroulement du scénario de votre vie. L’idée est insupportable.
Pourtant, prendre VRAIMENT conscience de cela, le vivre comme tel, donne au contraire une grande paix intérieure… qui aide à faire face à tout ce qui se présente, dans un esprit d’acceptation et de sérénité. On est capables de dédramatiser et de dépassionner beaucoup de choses, et donc de bien mieux réfléchir et méditer sur ce qui se déroule.
Cette illusion de “liberté” de choix, tant revendiquée n’est en effet pas un cadeau, c’est même un lourd fardeau: combien de fois dans votre vie, vous êtes-vous torturés sur un choix cornélien, qu’il s’agisse de votre carrière, de votre famille, des grands tournants de votre vie… Est-ce que le résultat de vos choix ont toujours été à la hauteur de vos attentes et des films que vous aviez faits? Sur quelle base exactement, avez-vous tranché vos plus grands dilemmes?
Et si se placer dans une position de non-choix permettait justement de prendre la distance nécessaire pour voir émerger la meilleure option pour vous, sans drames et sans larmes…
Il faut s’interroger intérieurement avec honnêteté se se demander pourquoi est-ce qu’on s’accroche autant à l’idée de “contrôle” alors que (l’illusion de) choisir génère de facto des frustrations dont on souffre inutilement.
L’existence d’un “libre-arbitre” est une grande question philosophique, spirituelle, et scientifique si ancienne et si riche qu’il serait prétentieux pour moi de vouloir l’aborder ici en profondeur. Je ne peux partager que les conclusions tirées d’expériences personnelles qui ont totalement changé ma façon de voir le monde.
Mais si vous désirez explorer le sujet, avoir des informations factuelles sur notre processus de décision, il suffit de chercher des documentaires BBC, Arte ou autres, sur les avancées des neurosciences, sur la question de savoir si nous avons un “libre-arbitre”. Du côté philosophique, car l’un ne va pas sans l’autre, il faut s’intéresser à Spinozza, au Tao, mais pas que…
Voilà voilà…
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